1966 : aux origines du dossier Altéo
À partir de 1966, le canyon sous-marin de Cassidaigne (aujourd’hui classé dans le cœur marin du Parc national) reçoit les résidus industriels de l’usine Péchiney basée à Gardanne et spécialisée dans la fabrication d’alumine. Ces résidus, acheminés par un conduit de 47 kilomètres à terre et en mer, ont une forte coloration rouge liée à leur teneur en fer : ils sont alors appelés « boues rouges ».
Dès les premières heures du rejet, la question des boues rouges divise. Alors que l’industriel affirme que le rejet ne présente aucun risque, des scientifiques et membres de la société civile mettent en avant l’impact des boues rouges sur la faune sous-marine et la santé humaine. En dépit des débats et des dénonciations, près de 30 millions de tonnes de boues seront rejetées en mer jusqu’en 2016.
2012 : le Parc national hérite du dossier « boues rouges »
Dès sa création en 2012, le Parc national hérite de l’épineux dossier des boues rouges. Le conseil d’administration de l’établissement, composé de la pluralité des acteurs du territoire (État, collectivités, associations, scientifiques) doit émettre un avis, favorable ou défavorable, sur le renouvellement de l’autorisation permettant à l’industriel de continuer à rejeter ses effluents en mer. Les enjeux écologiques sont de taille mais des considérations économiques et sociales sont également à prendre en compte. L’usine de Gardanne crée en effet de nombreux emplois sur le territoire et l’alumine constitue un composant stratégique pour l’industrie française.
Après un long travail préparatoire d’études et d’analyses, piloté par le conseil scientifique du Parc national, le conseil d’administration émet un avis favorable au renouvellement du rejet. Celui-ci est cependant assorti de nombreuses prescriptions devant permettre de réduire très fortement l’apport des polluants en mer et de le mettre en conformité avec les normes françaises, européennes et internationales à l’horizon 2021.
Provoquant l’incompréhension d’une partie du public lors de sa publication, l’avis du conseil d’administration du Parc national permet néanmoins une avancée historique dans le dossier. Cet avis illustre également la méthode « Parc national » : faire de la protection de la biodiversité une priorité, tout en restant ouvert aux enjeux sociaux et économiques du territoire.
2016 : la fin des boues rouges en mer
En décembre 2015, au terme d’un long processus administratif, le Préfet des Bouches-du-Rhône signe l’arrêté imposant un nouveau cadre à Altéo, actuel exploitant de l’usine de Gardanne. Cet arrêté, reprend les prescriptions du Conseil d’administration du Parc national et impose à compter du 1er janvier 2016 :
L’arrêt du rejet des boues rouges en mer au 1er janvier 2016 au profit d’un rejet liquide ;
- Un abattement de plus de 90% des principaux contaminants (plomb, cadmium, mercure, fer…) ;
- Un important programme de suivi et d’études que l’industriel doit mettre en œuvre pour suivre la composition et l’impact du nouveau rejet sur le milieu marin ;
- La création d’un Comité de surveillance et d’information sur les rejets en mer (CSIRM). Cette instance, indépendante de l’industriel, a pour vocation de suivre et de fournir une analyse critique les études de suivi réalisées par Altéo et d’informer le public sur la nature exacte et l’impact du nouveau rejet et sur les mesures mises en œuvre par l’industriel pour réduire encore les pollutions.
Depuis l’adoption de l’arrêté de décembre 2015, la qualité du rejet est suivie grâce à de nombreux autocontrôles effectués par l’industriel et encadrés par les services de l’État. Des contrôles inopinés sont également conduits par la DREAL.
Le stockage des résidus à terre
Comme l’a très tôt souligné le conseil scientifique du Parc national, l’abandon du rejet des boues rouges en mer ne fait que déplacer le problème à terre. La partie solide du rejet, autrefois rejetée en mer, est aujourd’hui stockée à terre sur le site de Mange-Garri, sur la commune de Bouc-Bel-Air. C’est le devenir de ces déchets terrestres qui cristallise aujourd’hui l’attention, notamment des habitants et des associations de protection de l’environnement.
2020 : la mise aux normes du rejet
Permettant une très nette amélioration du rejet en mer, l’arrêté de décembre 2015 prévoit toutefois des dérogations sur 6 paramètres : l’aluminium, le fer, l’arsenic, le pH, la demande biologique en oxygène (DBO) et la demande chimique en oxygène (DCO). Sur ces 6 paramètres, l’industriel dispose d’un délai supplémentaire pour mettre en place les technologies de traitement afin de respecter les normes nationales et européennes. Initialement prévue pour une période de 6 ans, la date limite des dérogations a été rapportée au 31 décembre 2019 suite à des recours en justice déposée par plusieurs associations.
Suite à la mise en place d’un important programme d’investissement permettant de financer de nouvelles étapes de traitement, le rejet Altéo est rentré dans les normes à partir de décembre 2019 sur 4 des 6 paramètres dérogatoires : aluminium, fer, arsenic, pH. Pour se mettre en conformité sur la DBO et DCO (paramètres surtout utilisés dans le suivi de la qualité des cours d’eau ayant une pertinence très relative pour suivre la qualité de l’eau en haute mer), Altéo a bénéficié d’un nouveau délai délivré par la Préfecture des Bouches-du-Rhône.
En septembre 2020, l’inauguration d’une nouvelle étape de traitement du rejet permet à l’industriel de se conformer définitivement aux normes nationales, européennes et internationales. L’objectif fixé à Altéo par la délibération du conseil d’administration du Parc national de 2014 est alors atteint.
Le positionnement du Parc national
L’arrêt des boues rouges en mer et la mise aux normes du rejet sont des avancées décisives obtenues dans le contexte de la création et des premières années du Parc national des Calanques. Ces avancées ne constituent pourtant qu’une étape. Le rejet industriel d'Altéo reste une pression importante sur les milieux marins fragiles et protégés des Calanques. Le Parc national reste donc mobilisé pour obtenir de l’industriel de nouveaux engagements en vue d’une nouvelle amélioration du rejet en mer, voire de son abandon. Suite à la récente mise aux normes du rejet, le conseil d’administration prépare une nouvelle motion pour préciser ses attentes vis-à-vis de l’industriel.
La mobilisation du Parc national passe également par un conséquent travail d’animation des travaux du CSIRM autour de l’impact du rejet liquide sur l’environnement marin.
Le Parc national participe également au Comité de suivi de site (CSS). Cette instance créée en 2016 par arrêté préfectoral permet aux différentes parties prenantes (l’industriel, les administrations, les associations, les habitants) d’échanger autour de la vie et du devenir du site industriel. Des visites annuelles du conseil d’administration du Parc national sur le site de Gardanne sont également organisées chaque année afin de faire le point sur l’avancée des solutions technologiques développées et devant permettre une amélioration du rejet en mer.
La mobilisation des associations et de la société civile
Sur le dossier du rejet industriel de Gardanne, le Parc national des Calanques n’est pas seul à demander des améliorations à l’industriel. Les habitants et les associations de protection de l’environnement ont notamment déposé des recours en justice afin de réclamer un raccourcissement des dérogations dont l’industriel bénéficie et la réalisation d’une étude d’impacts des rejets à terre.
Ressources en ligne
Arrêté préfectoral du 28 décembre 2015
Délibération du conseil d'administration du Parc national des Calanques du 8 septembre 2014
Avis du conseil scientifique du Parc national des Calanques du 7 juillet 2014
Avis du conseil économique, social et culturel du Parc national des Calanques du 3 décembre 2014