Le berceau de la création de Marseille
Le mythe
Selon la légende, les Phocéens débarquèrent alors qu’une cérémonie ségobrige très importante était sur le point de se dérouler : celle du mariage de Gyptis, la fille du roi ! Deux chefs phocéens, dont Protis, furent conviés au banquet. Or, selon la coutume locale, la fille du roi choisissait son mari lors de ce festin en lui proposant une coupe d’eau fraîche puisée dans la fontaine de Voire. Le soir venu, la jeune Gyptis offrit la coupe à l’étranger Protis. Le roi fit alors don aux époux de la calanque du Lacydon, où Protis fonda la ville qui allait devenir Marseille.
Les textes
Aristote raconte brièvement ce mythe dans sa Constitution des Massaliotes, puis Trogue Pompée dans ses Histoires philippiques, dont l’original est aujourd’hui perdu. Mais au IIe siècle, Justin, historien romain, a résumé cet ouvrage dans son Abrégé des histoires philippiques. C’est ce texte qui sert aujourd’hui de source principale au mythe :
« Au temps du roi Tarquin, de jeunes Phocéens venus d'Asie abordèrent à l'embouchure du Tibre et firent alliance avec les Romains, puis ils mirent la voile vers les golfes les plus reculés de la Gaule et fondèrent Marseille entre les Ligures et les nations sauvages des Gaulois. Ils signalèrent alors leur valeur soit en se défendant par les armes contre les barbares gaulois, soit en attaquant à leur tour ceux qui les avaient provoqués auparavant. Contraints par l’exiguïté et la maigreur de leur territoire à exploiter la mer plutôt que la terre, les Phocéens demandaient leurs moyens d’existence à la pêche, au commerce, souvent même à la piraterie, qui était alors en honneur. Aussi, ayant osé s’avancer jusqu’au dernier rivage de l’Océan, ils arrivèrent dans un golfe gaulois à l’embouchure du Rhône. Séduits par la beauté du lieu, ils rapportèrent à leur tour ce qu’ils avaient vu, et attirèrent ainsi une troupe plus nombreuse. Les chefs de la flotte furent Simos et Protis. Ils allèrent trouver le roi des Ségobriges, nommé Nann, sur le territoire duquel ils désiraient fonder une ville, et lui demandèrent son amitié.
Justement, ce jour-là, le roi était occupé à préparer les noces de sa fille Gyptis, que selon la coutume de la nation, il se disposait à donner en mariage au gendre choisi pendant le festin. Tous les prétendants avaient été invités au banquet ; le roi y convia aussi ses hôtes grecs. On introduisit la jeune fille et son père lui dit d’offrir l’eau à celui qu’elle choisissait pour mari. Alors, laissant de côté tous les autres, elle se tourna vers les Grecs et présenta l’eau à Protis, qui, d’hôte devenu gendre, reçut de son beau-père un emplacement pour y fonder une ville. Marseille fut ainsi élevée, non loin de l’embouchure du Rhône, dans un golfe écarté, comme dans un coin de la mer. »
Ce qu’en dit l’archéologie
Ce mythe fondateur, qui participe à l’image de terre d’accueil et de métissage de la cité phocéenne, est connu depuis le Ve siècle avant notre ère. Il s’inspire de faits réels, puisque des vestiges de céramique celto-ligure et grecque ont été retrouvés par des archéologues à proximité immédiate de la fontaine de Voire.
Plusieurs fouilles attestent également de la présence des Phocéens dans la calanque du Lacydon, à l’emplacement de l’actuel Vieux-Port. La fontaine devait déjà exister, mais son aspect maçonné actuel est relativement récent : si la partie voûtée en pierres sèches apparaît déjà sur des photos datant de 1897, la création du bassin ouvert, visible actuellement à l’avant, est quant à lui beaucoup plus tardif.
Sur le chemin de la fontaine de Voire
Le chemin qui mène à la fontaine de Voire réserve plusieurs surprises au visiteur. Dans le vallon de la Jarre se situe d’abord une curiosité naturelle : des dunes de sable en plein milieu des collines… Ce sable a probablement été transporté par le vent depuis les nombreuses plages de Marseille, avant qu’elles ne soient urbanisées. Il est très fragile et recèle des espèces végétales rares : il ne doit pas être piétiné.
On peut aussi voir une très belle forêt de pins d’Alep centenaires, de chênes kermès, de bruyères arborescentes et multiflores, de lentisques, de cistes cotonneux et de Montpellier, de cade, de baouque, de lys des sables ou encore de salsepareille.
Dans ce secteur, on trouve également les vestiges d’une carrière, ainsi que d’anciens fours à chaux. Dans cette propriété qui appartenait à un certain docteur Voire étaient aussi bâties une maison et une bergerie, dont il reste quelques traces. La fontaine a d’ailleurs porté plusieurs noms fautifs : fontaine de Voyre ou d’Ivoire notamment. Mais c’est bien ce médecin qui lui a laissé son nom.
« Nann devait marier sa fille unique, la belle Gyptis, plus blanche que l’écume des vagues, Gyptis aux yeux rieurs, Gyptis sur le sein de laquelle l’empreinte d’une coupe sacrée avait été prise. »
Guillaume Apollinaire
Le saviez-vous ?
Le mythe de Gyptis et Protis sera souvent repris, et même parodié, notamment par Guillaume Apollinaire dans son roman érotique La Fin de Babylone, et dans le film Honoré de Marseille, avec Fernandel. La séquence est tournée dans la calanque d’En-Vau et elle est visible plus bas sur cette page !
Visite et réglementation
Avant toute sortie au Parc national des Calanques, préparez votre visite et consultez les bons gestes à adopter et les réglementations à respecter.
On peut découvrir le site toute l’année, sauf en cas de fermeture des massifs pour cause de risque d’incendie.
Accès
Bus RTM n°23 - direction Beauvallon, arrêt Sormiou Jarre. Au rond-point à droite, emprunter le boulevard Louis Pierotti puis le sentier balisé en rouge jusqu’à la fontaine de Voire (environ 20 minutes de marche).
Localisation
Coordonnées GPS : 43.224642, 5.390682