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Une histoire de la chasse

Une pratique ancienne dans les Calanques

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Joseph Beaume Charles-Roux chassant à Montredon - collection Edmonde Charles-Roux
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Agachon © C. Thomas
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Perdrix © Parc national des Calanques
La chasse du petit gibier est pratiquée sur le territoire du Parc national des Calanques depuis des siècles : grive, perdrix, caille, lapin… Cette activité liée au mode de vie bastidaire a laissé plusieurs vestiges, et reste très encadrée aujourd’hui.

 

Chasser à l’époque préhistorique

Les populations européennes du paléolithique étaient des chasseurs cueilleurs. Dans le territoire des Calanques, on chassait chamois et bouquetins : ces espèces vivaient alors sur les reliefs côtiers, comme en témoigne la grotte Cosquer.

Au fil du temps, les premiers hommes perfectionnent leurs outils, taillant plus finement la pierre et la rendant plus tranchante. Ils mettent au point une technique beaucoup plus efficace que le simple lancé de javelot : grâce à un propulseur constitué de bois de rennes et d’un crochet, ils visent plus précisément, plus loin et plus fort.

 

Des techniques variées

Dans le massif des Calanques se pratiquaient principalement deux types de chasse : la chasse au poste (ou à l’agachon) et la chasse à la glu (interdite depuis 2021 du fait de son impact important sur l’écosystème, notamment sur les populations de grives et de merles). On chassait « à l’espère », c’est-à-dire qu’on se plaçait à l’affût et qu’on attendait la proie. Lors des vendanges, on profitait de la gloutonnerie des oiseaux, qui passaient de la maigreur à l’obésité en quelques heures, pour les chasser plus facilement.

À l’intérieur des domaines bastidaires d’antan se développaient d’autres stratégies. Par exemple, on mettait en place des structures végétales, comme la « tèse » : il en reste une au parc Borély, à proximité de la statue de Diane. Le principe de la tèse était de tendre un filet en travers d’une voûte végétale d’arbres fruitiers disposés au-dessus d’une rigole : les oiseaux y étaient attirés par les baies et l’eau.

 

Les espèces chassées

Historiquement, la chasse à la grive est très présente en Provence : on profite du moment de leur passage dans les Calanques, quand elles migrent de l’Europe vers le Sud de la Méditerranée. On chasse également la perdrix rouge ainsi que la caille, qui a donné son nom au quartier de La Cayolle en bordure du Parc national. Autre chasse traditionnelle, celle de la bécasse : particulière et complexe, elle est surtout pratiquée par des connaisseurs, souvent des anciens.

Outre les oiseaux, on chasse également le lièvre et le lapin. Le lapin de garenne tient d’ailleurs son nom de la chasse : la garenne était le nom donné aux terrains où les seigneurs se réservaient le droit de chasse. L’activité pastorale ayant périclitée, les collines sont aujourd’hui plus boisées qu’à l’origine : ceci explique la forte augmentation ces vingt dernières années du sanglier, dont la chasse se développe.

 

Un territoire réglementé

De nombreuses parcelles du territoire des Calanques n’ont jamais été chassées. D’autres l’ont été et ne le sont plus. C’est le cas de la Gardiole et de Luminy, qui ne sont plus chassés depuis leur acquisition par l’État et les collectivités dans la période d’après-guerre. Aujourd’hui, environ la moitié du territoire des Calanques est chassable, héritage d’une histoire bien antérieure à la création du Parc national.

Le territoire des Calanques est depuis longtemps une zone très contrainte en matière de chasse, où le contrôle exercé par les propriétaires gestionnaires est assidu. Les réglementations existaient donc avant la création du Parc national : elles sont désormais formalisées dans le cadre d’une réglementation spéciale.

 

Des vestiges de la chasse traditionnelle

Aujourd’hui, plusieurs vestiges subsistent dans le Parc national des pratiques de chasse. Les agachons (de l’occitan agachar : guetter) sont des abris sommaires constitués de pierres et de branchages, situés plutôt sur les crêtes. On trouve également des postes de chasse, sous la forme de petites cabanes en bois, dont certaines étaient équipées pour la chasse à la glu, notamment à la Barasse.

 

La chasse dans la littérature

C’est Marcel Pagnol, dans La Gloire de mon père, qui fait véritablement entrer la chasse provençale en littérature. Toute la séquence de la chasse à la bartavelle, reprise dans la célèbre adaptation filmique d’Yves Robert, est sans aucun doute la plus fameuse référence à la chasse à Marseille.

Mais en 1838, Stendhal évoquait déjà cette pratique dans ses Mémoires d’un touriste :

« [Le propriétaire de la bastide] se construit une cabane en fagots d’épines, à vingt pas de son arbre mort ; il s’y tapit dès quatre heures du matin, et il attend patiemment qu’une grive vienne se poser sur l’arbre mort. Quelquefois, de quatre heures du matin à midi, il a le bonheur de tuer jusqu’à trois grives ; il les marque aussitôt sur une ardoise placée dans la cabane. À la fin de la saison, il fait l’addition, et la proclame à la Bourse.

Ce plaisir a beaucoup de rapports avec la pêche à la ligne. Les fusils sont placés artistement à certains petits trous pratiqués dans les fagots qui forment les murs de cette rustique construction. En attendant sa grive, le Marseillais lit son journal, quelquefois un roman. Il jure quand il entend tirer dans les postes voisins. On appelle poste la réunion de l’arbre mort et de la cabane. Voilà M. un tel, s’écrie-t-il, qui m’enlève le gibier ! […]

Il faut convenir qu’on jouit délicieusement du beau climat dans ces cabanes de bois mort, que la brise de mer pénètre dans tous les sens. Il règne là un délicieux silence ; de ces silences qui font qu’on entend son âme ; on y goûte une liberté complète ; les soucis ne pénètrent point dans ce paisible réduit. Quand on donnerait des millions à un Marseillais pour habiter Paris, je suis convaincu qu’il regretterait son poste, et je me trouve presque de son avis. »