De la superstition...
Les chauves-souris ont longtemps eu mauvaise réputation. On disait d’elles qu’elles portaient malheur, qu’elles provoquaient des fausses-couches et qu’elles s’accrochaient aux cheveux des femmes. Ces croyances traduisaient la peur des Hommes envers le monde de la Nuit et, dans une société patriarcale, cela permettait aussi de garder les filles à la maison… Aujourd’hui encore, les idées reçues ayant la vie dure, le petit mammifère se retrouve dans les décors terrifiants d’Halloween.
Et pourtant, les chauves-souris ont toujours cohabité paisiblement avec les êtres humains et les ont même précédés dans les cavernes : elles seraient présentes sur terre depuis au moins 55 millions d’années. Elles apportent de précieux « services écosystémiques » à la population humaine, notamment par leur appétit pour les insectes, qu’elles mangent goulument (jusqu’à 30 voire 50% de leur poids par nuit !). Elles n’ont enfin pas lieu d’être source d’inquiétude en France où elles n’ont jamais occasionné de problème de santé publique. Il serait donc peut-être temps de redorer le blason de cet animal inoffensif et aujourd’hui protégé.
A la protection
Loin d’être une menace, les chauves-souris ont au contraire besoin d’être protégées. Car ce sont plutôt elles qui font face à de nombreux dangers générés par l’Homme : effondrement de la population d’insectes qui constituent leur régime alimentaire, pollution lumineuse, chocs routiers et avec les parcs éoliens, destruction de leurs habitats… Certaines espèces de chiroptères ont déjà disparu, d’autres sont sur le déclin. Pour cette raison, le Parc national des Calanques, riche de grottes et de diverses anfractuosités, s’est lancé il y a quelques années dans l’étude et le suivi des populations de chauves-souris présentes sur son territoire et qui font partie de son patrimoine naturel, comme le Minioptère de Schreibers.
Rendre audible l'inaudible
Bien souvent cachées dans des grottes et des cavernes, le mode de vie des chauves-souris est longtemps resté un mystère, d’autant plus qu’on ne les entendait pas ! Elles sont dotées d’un système sensoriel semblable à une échographie ou un sonar. En poussant des cris très aigus (des ultrasons) et en analysant leur écho, elles se font une image très précise des alentours et repèrent leurs partenaires comme leurs proies.
Ces sons étaient restés inaudibles pour l’Homme jusqu’à très récemment. Ce n’est que dans les années 90 que des naturalistes passionnés acquièrent de tout nouveaux enregistreurs qui permettent de rendre audible l’inaudible. L’observation acoustique des chiroptères prend son envol et permet de redécouvrir l’animal sans le perturber. Le Parc national des Calanques s’est doté d’enregistreurs à partir de 2017 et suit les populations des chauves-souris en partenariat avec le Groupe Chiroptères de Provence. Ces missions sont menées notamment par les agents membres de la CIME (Cellule d’intervention par moyens encordés), experts en escalade.
Une combinaison de techniques de suivi
Si l'observation acoustique permet d'en apprendre beaucoup sur les chiroptères, elle doit néanmoins être complétée par d'autres méthodes de suivi permettant de connaître leur état de santé. Pour cela, il est nécessaire d'avoir les individus en main. Pour réduire le stress des chauves-souris, elles sont capturées à l'aide de filets très fins tendus en travers de voies de passage. Il est alors possible de déterminer leur état de santé et biologique, de les mesurer, de prélever des échantillons pour des analyses biologiques et génétiques. Toutes ces techniques de suivi cumulées permettent de mener des inventaires, de mieux connaître la vie des espèces, d'évaluer l'évolution de leurs populations, d'identifier les zones les plus favorables, de trouver des gîtes, etc. Très récemment, elles ont permis d'identifier des femelles chauves-souris gestantes dans les calanques, ce qui signifie que le Parc national abrite une colonie de reproduction, ce qui n'était pas connu jusqu'alors ! Nous espérons vous en dire plus en 2023, à l'occasion du prochain Halloweeen.