De la route des Crêtes à Sainte-Frétouse
Un monument naturel
Culminant à 394 mètres, ce massif souverain se hisse parmi les falaises maritimes les plus hautes d’Europe. Louis XIV disait même que c’était la plus belle falaise de son royaume ! Depuis la mer se révèle l’alternance colorée, à dominante ocre rouge, des couches sédimentaires de calcaire, de grès et de poudingue.
À cet endroit, il y a 80 millions d’années, un fleuve coulait. Il charriait jusque dans son delta un mélange de galets de silice et de minéraux fins d’origine corallienne, fragments de squelettes et de coquilles de mollusques. Siècle après siècle, les sédiments s’accumulèrent dans l’embouchure de ce fleuve et formèrent une montagne sous-marine. Au rythme des bouleversements géologiques, ce récif émergea progressivement d’une mer tropicale, jusqu’à former le massif du cap Canaille.
Une route panoramique
La D141, plus communément appelée « route des Crêtes », sillonne les sommets des falaises Soubeyranes depuis les années 60. Ils offrent plusieurs points de vue spectaculaires sur les baies de Cassis et de La Ciotat, jusqu’au cap Sicié, ainsi que sur l’horizon maritime et les reliefs avoisinants : massifs des Calanques, de la Sainte-Baume et, au loin, de la Sainte-Victoire.
Les paysages qui s’ouvrent à l’intérieur des terres sont marqués par un boisement artificiel de pin pignons. Ils ont été plantés après terrassement au bulldozer dans les années 1980, après le terrible incendie de 1982 ayant ravagé l’ensemble du massif, de Cassis au Mugel. Il avait été causé par un barbecue sur la plage de l’Arène attisé par le vent.
En matière d’usages, ces belvédères posent problème, étant facilement accessibles en voiture et après une marche d’à peine quelques secondes. La contemplation, de courte durée, s’y fait souvent sans imprégnation de l’esprit des lieux, se réduisant à une consommation immédiate de l’espace.
Une biodiversité exceptionnelle
Une végétation particulière se développe, plutôt inféodée à des milieux siliceux, se distinguant des espèces exclusivement calcicoles qu’on peut trouver dans les calanques de Marseille. Forêts, garrigue, maquis et pelouses couvrent la partie supérieure du massif, tandis que ses parois accueillent une végétation littorale halophile. Dans ces différents habitats ont été recensés plusieurs espèces patrimoniales, telles que l’anthyllis faux-cytise, la saladelle naine ou le myrte.
Les falaises et grottes accueillent des chauve-souris et des oiseaux nicheurs typiques des milieux rupestres, notamment des grands-ducs et des faucons pèlerins. Phénomène rare sur le continent, on trouve aussi dans ce secteur des cormorans huppés, plutôt habitués aux îles : des arrêtés sont alors pris pour temporairement interdire l’escalade dans ces secteurs.
Sainte-Frétouse et ses alentours sont également fréquentés par deux animaux remarquables : la tarente de Maurétanie, un gecko, et la rainette méridionale, une petite grenouille endémique.
Sous la surface de l’eau où les falaises Soubeyranes se poursuivent, le paysage aquatique offre également de belles surprises, grâce à la variété des fonds marins : rochers, sable, herbiers de Posidonie...
Des grottes, des restanques et des carrières
Les lieux furent occupés dès la Préhistoire, comme en témoignent les objets et ossements découverts à Terrevaine, datés du Néolithique. Les grottes à proximité servaient notamment de nécropoles…
Autres vestiges : ceux de l’agropastoralisme, dont les pratiques remontent à l’Antiquité et qui ont perduré pendant des siècles, jusqu’à disparaître avec les déprises agricoles successives du XXe siècle. Les restes de bergeries, fermes, cultures céréalières, vivrières, potagères en restanques (notamment oliviers et chanvres qui demandaient peu d’eau) sont aujourd’hui rendus à la nature.
De même pour les anciennes carrières du Loin et de la Vigie, aujourd’hui désaffectées, mais encore bien visibles par les profondes entailles qu’elles ont laissées dans la roche. Le grès qui en était extrait servait pour la construction, la fabrication de meules, le pavage des rues, la sculpture ou encore les digues du port de plaisance et des chantiers navals.
Un patrimoine architectural atypique
Des monuments hétéroclites parsèment le massif : le sémaphore du bec de l’Aigle, la chapelle Notre-Dame de la Garde et, en contrebas de celle-ci, la résidence du même nom. Cet édifice en forme de médina, labellisé patrimoine du XXe siècle, a été bâti à la fin des années 60 pour les ouvriers du chantier naval.
C’est aussi là que s’implantent les villas des « trois Suisses » : René Teychené, Walter Spaeny et Michel Simon (dans le sens de la pente, du haut vers le bas). Du premier, on ne sait pas grand-chose, sauf qu’il fit bâtir sa maison… sur un bâtiment élevé en 1944 par l’armée allemande : une station radar en partie détruite par l’aviation américaine ! Les murs de l’ouvrage d’origine, notamment les socles du radar et d’un canon anti-aérien, compartimentent encore la villa.
Le cap Canaille dans l’art
Si Derain a peint les pinèdes du haut des falaises, c’est la masse rocheuse et rouge qui s’impose au regard de façon implacable. Elle est représentée obsessionnellement dans la peinture tout au long des XIXe et XXe siècles, à la façon d’une Sainte-Victoire. L’École provençale (Olive, Garibaldi…), les post-impressionnistes (Camoin, Manguin, Signac…) et les contemporains (Ambrogiani…) peignent à répétition cette pierre angulaire de la région.
Ce lieu propice aux règlements de compte du milieu marseillais a donné son nom à un polar paru en 2020. Il a aussi vu plusieurs tournages revenir sur cette réputation, comme Le deuxième souffle, de Jean-Pierre Melville, ou La French, avec Jean Dujardin et Gilles Lellouche.
« De Cassis à La Ciotat, je suivis à pied des falaises cuivrées ; j’en éprouvai de tels transports que lorsque je remontai, le soir, dans un des petits cars verts, je n’avais plus qu’une idée en tête : recommencer. »
Visite et réglementation
Avant toute sortie au Parc national des Calanques, préparez votre visite et consultez les bons gestes à adopter et les réglementations à respecter.
On peut découvrir le massif toute l’année, sauf en cas de fermeture des espaces naturels pour cause de risque d’incendie.
Attention, la route des Crêtes est fermée d'office en cas de journée rouge entre le 1er juin et le 30 septembre (plus de renseignements ici) et sur décision des services de secours en cas d'événements météo très exceptionnels : téléchargez l'application mobile Mes Calanques pour en être averti en temps réel.
La route des Crêtes est victime de surfréquentation l’été. Veuillez respecter les espaces naturels : pas d’abandon de déchets ni de nuisances sonores.
Accès
Depuis La Ciotat : plusieurs sites sur la partie supérieure du massif sont accessibles à pied depuis le centre-ville (entre 30 minutes et deux heures de marche) et depuis les terminus des bus 30 (La Garde), 31 (Bucelle) et 10 (Fardeloup) de la compagnie Ciotabus.
Depuis Cassis : pour contempler le massif d’en bas et découvrir sa bordure littorale, partir de la plage de l’Arène, à 30 minutes à pied du centre-ville. Deux sentiers parallèles, assez acrobatiques et en cul de sac, longent la mer : l’un par le bord de mer, l’autre en surplomb par le maquis.
La route des Crêtes, accessible depuis Cassis et La Ciotat, présente plusieurs belvédères avec stationnement sur des petits parkings ou en bord de route.
VIGILANCE : visiteurs, lors de vos arrêts sur la route des Crêtes, soyez prudents et ne vous approchez pas trop près du bord. Des coups de vents imprévisibles peuvent entraîner des chutes.
Localisation
Coordonnées GPS : 43.195761, 5.563005
En lien
Itinéraire de randonnée : le sémaphore du bec de l’Aigle
Itinéraire de randonnée : la traversée des Calanques
Livret de balade à Sainte-Frétouse
Balade interactive à la carrière du Loin
Le cap Canaille sur le site du Conservatoire du littoral
Le site de Sainte-Frétouse à La Ciotat sur France Bleu
Les couleurs de Cassis : nos petits fonds marins, nurserie de la mer
Le radar allemand caché dans la villa Teychené, un article de La Marseillaise
La résidence Notre-Dame de la Garde, labellisée patrimoine du XXe siècle