Un complexe sanitaire sur les îles du Frioul

Aux origines de l’hôpital Caroline

Le Frioul a une longue histoire sanitaire derrière lui. Dès le XVI^e siècle, l'anse naturelle de Pomègues sert de zone officielle de quarantaine pour les navires en provenance de l’étranger, afin de prévenir la propagation des maladies. Vers 1820, une terrible épidémie de fièvre jaune sévit dans les ports de Méditerranée. L’État décide alors de moderniser ses équipements. Outre la construction d’un véritable port de quarantaine, il ordonne la construction d’un hôpital destiné à accueillir les malades.

Le caractère urgent de la menace épidémique aboutit à la rapide acceptation du projet architectural de Michel-Robert Penchaud sur un promontoire de l’île de Ratonneau. La construction est onéreuse. Le projet rencontre des difficultés, de sorte que l’hôpital n’est prêt qu'après huit ans de travaux.

Une architecture innovante pour une vie de reclus

Inauguré en 1828, l’hôpital Caroline est un parfait exemple du style néo-classique. Son architecture est novatrice. La conception de l’hôpital répond à trois critères imposés par la commission ministérielle de l’époque : l'isolement, la surveillance et l'aération optimale.

L'hôpital est alors capable d’accueillir 48 malades et 24 convalescents. Avec quatre pavillons répartis autour d’une cour intérieure, tout est pensé pour isoler les pensionnaires contaminés de ceux en convalescence et du personnel. Afin d’éviter les contacts, une chapelle est même édifiée au centre de la cour. De style hellénistique (l’architecte voulait faire un rappel aux origines antiques de la cité phocéenne), elle est surélevée et entièrement vitrée de façon à ce que les patients puissent suivre la messe sans sortir de leur lit.

L’hôpital du vent

Ouvert aux quatre vents, le pavillon des malades rappelle la pensée hygiéniste du XIX^e siècle. On pensait à cette époque que le vent avait des vertus curatives, emportant au loin les miasmes infectés. Quand on connaît la force à laquelle le vent peut souffler sur l’archipel du Frioul, on imagine que les patients devaient avoir bien froid !

Une histoire mouvementée

Finalement, la fièvre jaune ne frappa jamais Marseille ! L’hôpital accueillit néanmoins des patients, notamment après le transfert au Frioul des malades du lazaret d’Arenc en 1850. Désormais appelé hôpital Ratonneau en raison de la fin de la Restauration, on le réaménage pour qu’il puisse accueillir des quarantenaires. La partie dédiée à l’hospitalisation est alors réduite à vingt lits. L’armée réquisitionna également les lieux pour soigner les soldats malades : plus de 700 soldats, atteints parfois du typhus, seront soignés à l’hôpital Ratonneau.

Outre l’accueil des militaires, l’hôpital n’est pratiquement pas utilisé pour sa fonction première. Jugé trop austère et trop éloigné, aucun médecin ne veut y travailler à temps plein. Ces derniers se déplacent uniquement si un navire infecté accoste au Frioul. C’est le cas en 1900 quand 35 malades de la peste, sans doute les derniers, sont hospitalisés à Ratonneau.

L’hôpital reste en service jusqu’en 1941, puis devient un dépôt de munitions pour l’armée allemande. Bombardé par les Alliés en 1944, il reste à l’abandon jusqu’à son acquisition par la Ville de Marseille dans les années 1970. Il est inscrit aux monuments historiques par arrêté du 5 août 1980.