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Installée à Marseille, sur le littoral, Solène Basthard-Bogain nous raconte son quotidien entre terre et mer. Plongeuse professionnelle, elle témoigne de sa volonté de partager avec les habitants son émerveillement mais aussi ses préoccupations pour le milieu marin. 

Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.

Ancrée dans le territoire

J'ai grandi aux portes de la Méditerranée et j'allais en mer dès petite avec mes parents. J'ai toujours été curieuse de mettre la tête sous l’eau. Je n’étais pas une nageuse, par contre, je voulais explorer avec mes palmes, mon masque et mon tuba. Mon premier équipement, je l'avais à six ans. Aujourd’hui, je suis plongeuse biologiste. Je travaille chez Septentrion Environnement, la structure que nous avons créée entre amis, il y a quinze ans.

Au départ, je suis du Var, donc pas bien loin, mais coup de cœur pour Marseille. C'est une ville qui vibre d’émotions fortes, qu'elles soient positives ou négatives. Et ça, moi, ça me plaît beaucoup.

J'ai grandi dans cette culture méditerranéenne, je m'y sens bien, elle me parle et j'en connais les codes. Je vis à la Madrague Montredon, il suffit d'ouvrir la porte et de changer de rue pour être tout de suite dans le jardin du Parc national des Calanques. C'est le Parc dans la ville et la ville dans le Parc. C'est ça qui est aussi très charmant, et très compliqué à gérer évidemment.

En habitant ici, on sent ce lien et cette continuité mer-terre. Les embruns ici, dès qu'il y a du mistral, on en a plein sûr sur nos vitres, même en habitant à plusieurs centaines de mètres du bord de mer. On en a sur la peau dès qu'on se promène, on voit aussi la végétation du bord de mer qui morfle en raison de la salinité des embruns. Elle fait partie du paysage, en fait, la mer, jusque dans la colline. La terre et la mer sont la continuité l'une de l'autre.

Sciences participatives

Chez Septentrion Environnement, on a une mission de connaissance, pour laquelle on mène des travaux de recherche en écologie marine, et une mission de formation pour diffuser cette connaissance au public. Nous sommes beaucoup sur le terrain, on intervient auprès de scolaires ou du grand public en faisant des live sous-marins par exemple. On a plein d'outils qu'on décline pour immerger les gens et essayer de les toucher au fond d'eux. Notre rêve, c'est de les rendre acteurs, de les mobiliser. 

On a créé un programme de sciences participatives dans le but d'impliquer un maximum de public autour de la connaissance. Toutes ces observations vont servir ensuite aux modalités de gestion qui vont être mises en place par les collectivités territoriales. Donc en fait, ramener de l'information, c'est contribuer aux décisions futures.

Pour nous, c’est important de pouvoir donner au citoyen cette possibilité d'être acteur de son territoire, de la protection de son territoire, de son littoral, de la mer. Et c'est aussi un super support pédagogique puisqu’à ce moment-là, le plongeur est sensibilisé. Il découvre toute la diversité des merveilles sous-marines, mais aussi toutes les fragilités et les bons gestes qu'il faut adopter. On lui donne en tout cas les clés pour s'émerveiller et lui donner envie de vivre avec cette mer, en la respectant. On dit toujours que s'émerveiller et aimer, c'est le premier pas pour protéger.

Coup de chaud sur la méditerranée

Considérant les Calanques, on peut vraiment parler de singularité et de spécificité car on est sur une diversité de paysages de dingue.

Les faciès à coralligène notamment, sont un des habitats les plus riches de Méditerranée. Il est constitué d'une strate d'algues calcaires et encroûtantes. Et l'ensemble permet d'abriter une foultitude d'espèces, des petits crustacés aux poissons pélagiques saisonniers. Il nous arrive régulièrement de voir des sérioles, des thons qui passent le long de ces tombants. Il y a à manger : des petits poissons, des oursins, des langoustes, des petites crevettes.

On travaille beaucoup sur ces milieux en cœur de Parc, notamment pour analyser comment se comportent les populations face aux changements climatiques. Globalement, ce qu’on observe, c'est qu'il y a des épisodes d'anomalie thermique un peu tous les ans. Je ne suis pas aussi ancienne que certains scientifiques de Marseille et pourtant, je me rends compte à vue d’œil que certaines espèces fixées, et surtout les Gorgones, souffrent des épisodes de canicule qui sont de plus en plus récurrents et prolongés.* (voir encadré ndlr)

On a vu qu'il y avait des nécroses sur plusieurs populations de Gorgones dans des zones de 0 à 20 mètres par exemple. C'est des choses qu'on voyait peu par le passé. Certaines années, les eaux de surface jusqu’à 15-20 mètres de profondeur sont restées à 26 degrés pendant quinze jours ! Là, c’est trop pour elles.

* Les propos de Solène Basthard-Bogain ont été recueillis en juin 2022, soit quelques semaines avant la canicule marine de fin août 2022. L'étude de cet épisode extrême, coordonnée par Septentrion Environnement, a montré que 80% des colonies de gorgones du Parc national des Calanques comprises entre 0 et 20 mètres ont montré des signes de mortalité. Tristement prémonitoire, les propos de Solène illustrent la pertinence des alertes lancées par les scientifiques. 


Source URL: https://calanques-parcnational.fr/node/16044