Tombée sous le charme des îles du Frioul à 19 ans, Joëlle Messali a décidé d’y faire sa carrière d’animatrice. Elle nous dévoile les trésors de ce lieu exceptionnel qu’elle ne peut se résoudre à quitter.
Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.
Pour un tourisme social
Ça fait un peu plus de vingt ans que je travaille au centre Léo-Lagrange des îles du Frioul en tant que responsable hébergement. Je suis originaire du Vaucluse. J’ai découvert le Frioul par hasard : j’étais animatrice, je suis arrivée ici pour faire un remplacement d’une semaine. J'ai découvert le Frioul et je suis tombée amoureuse. Je voulais arrêter mes études pour venir ici. Mes parents n'ont pas voulu, bien évidemment, donc j'ai travaillé deux ans, j'ai passé mon bac et puis je suis venue ici.
Ce centre a été créé en 1976 par la Ville de Marseille pour en faire un centre de loisirs à destination des séniors et des enfants en classes de mer. Aujourd’hui, le centre est ouvert à tout le monde. Il appartient toujours à la Ville et il est géré par l’association Léo Lagrange, portée sur l’éducation populaire et le tourisme pour tous.
On accueille encore principalement des enfants -certains venant des quartiers défavorisés de Marseille- mais on a également des mariages, des week-ends de plongée, des régates ou encore des séminaires d’entreprise.
On a donc vraiment tout un panel de clientèles différentes et c’est les mêmes tarifs pour tout le monde. Le tourisme social, ça veut dire beaucoup pour moi. Je trouve ce centre hyper convivial, il permet aux personnes de se rencontrer. Vous pouvez avoir un mariage et en même temps des plongeurs ; chacun a sa place mais avec la possibilité de se mélanger.
Une vie d’insulaire
La vie insulaire, ou travailler sur une île, c'est compliqué, surtout quand on a un enfant. Par exemple, si une tempête se lève, le bateau reste à quai donc vous n’êtes pas sûr de pouvoir revenir sur le continent. Ça demande beaucoup d’organisation et de logistique, ne serait-ce que pour les courses. Si on a prévu d’acheter de la lessive ou des boissons, on sait que ça risque d’être lourd alors on se prépare en conséquence en apportant notre petit caddie. Quelqu’un qui n’a pas de caddie au Frioul, ce n’est pas un Frioulain !
J'ai essayé de partir une fois. J’ai rejoint notre siège social sur la Canebière, et alors là, j'étais en dépression. C'était très compliqué parce que j'avais l'impression d'être enfermée. Être derrière un ordinateur au Frioul, ça ne me dérange pas du tout car je sors juste devant, je souffle, je vois la mer, je reviens : tout va bien. Mais à Marseille, j'avais l'impression de ne pas voir le soleil de la journée. Au bout de six mois, j'ai craqué. Je n'en pouvais plus, j'ai demandé à revenir.
Un spectacle de tous les instants
Je me rends compte tous les jours de la chance que j'ai de travailler ici, dans ce lieu, de pouvoir m’y balader. C'est juste magique quoi. Rien que de prendre le bateau tous les jours, c’est une aventure.
Quand mon fils était petit, on prenait le bateau de 7h40 le matin et on s’asseyait toujours sur les escaliers pour admirer le soleil se lever durant le trajet, le spectacle était magnifique.
Quand il y a du vent, c'est très beau aussi, les ambiances sont superbes. Vers la plage de Saint-Estève, il y a un banc et à chaque fois je me dis que c’est le plus bel endroit du Frioul : il y a la vue sur Marseille, le Château d’If, la Bonne Mère, toute la rade… Dès que je passe par là, je suis émerveillée.
On dit souvent du Frioul que c'est juste un gros caillou. Je suis d'accord, mais c'est un caillou rempli de trésors. Il faut aller se balader, il y a plein de choses à voir. Les paysages sont superbes et on peut découvrir un patrimoine culturel et historique très riche, avec les bunkers et les fortifications militaires.
Il y a beaucoup de vestiges en lien avec l’histoire de Marseille ; du fait de leur position stratégique, les îles du Frioul ont été utilisées pour protéger la cité phocéenne et procéder à la mise en quarantaine des navires susceptibles d’être porteurs de maladies contagieuses comme la peste, le choléra ou le typhus. L’archipel s’est doté d’un véritable port de quarantaine dans les années 1800, en réaction à la propagation de la fièvre jaune en Méditerranée.
Quand on y travaille au quotidien, on a l’impression d’être dans notre petit paradis, isolé de tout. On est à Marseille, évidemment, mais nos clients ont l’impression d’être ailleurs. Les touristes qui débarquent sont vraiment dépaysés, même les locaux. D’ailleurs, beaucoup de Marseillais ne connaissent pas ou très peu l’archipel du Frioul.