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Alain Col, cabanonier de Sormiou, revient sur la vie quotidienne de ce lieu magique, ou grâce au respect des vœux de Marie de Sormiou, rien n’a changé ou presque… En filigrane, Alain questionne : qu’est-ce qui donne ce supplément d’âme aux gamins de Sormiou ?

Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.

À l’origine des premiers cabanons de Sormiou …

À la fin du 19e siècle, une jeune dame noble a eu en dot à son mariage toute la colline de Sormiou et la calanque. Elle venait à Sormiou à cheval depuis Mazargues. L'aller-retour dans la journée étant trop dur pour elle, elle a fait construire un cabanon, l’actuel restaurant Le Château.

Quand elle y restait quelque temps l’été, elle voyait les pêcheurs qui venaient de Marseille en bateau, à la voile ou à la rame. Ils passaient l'été ici, ils dormaient par terre. Ils pêchaient la journée et faisaient remonter le poisson par des ânesses à leur femme à Mazargues.

Les femmes récupéraient le poisson et le remplaçaient par de l’eau et des vivres, puis elles filaient un coup sur le cul de l'ânesse qui revenait toute seule ici. Alors, Marie de Sormiou a proposé à ces pêcheurs de se construire des abris, promettant qu’ils ne payeraient pas de loyer pendant les dix premières années.

Donc les premiers cabanons ont été construits, tous à peu près de la même façon : des petites superficies, une citerne sous la terrasse pour récupérer l'eau de pluie du toit, une pièce au ras du sol pour stocker le matériel de pêche et une mezzanine pour dormir. Petit à petit, les pêcheurs ont arrêté de travailler ici et c'est devenu un lieu de villégiature. Les cabanons se transmettent aujourd’hui encore de père en fils.

Une bulle de liberté hors du temps

Mes parents venaient à Sormiou tout jeunes. Mon père s'est mis en quête d'un cabanon et a réussi à en avoir un. J'avais douze ans à l’époque. Depuis, on a passé tous nos étés ici. Sormiou, pour les enfants, c'est la liberté. Mes parents allaient se coucher et nous, on écoutait la musique sur la terrasse du cabanon ; c'était l'époque des mange-disques à piles. C'était ça la vie. On allait à la pêche, on allait plonger, chasser sous l'eau, seuls, sans parents. Des choses qui sont impossibles en ville ou même dans des petits villages, parce qu'il y a toujours des voitures qui passent.

Moi, je pense que les enfants qui ont été élevés à Sormiou, ils ont un supplément d'âme qu'on ne trouve pas ailleurs. Dans le temps, dans chaque cabanon, il y avait au moins trois générations. Et on dormait les uns sur les autres, sans confort du tout. Ici, il y a de la solidarité et de l'amitié, on prend soin des autres. Il n'y a pas une seule personne âgée qui va porter un panier. C'est un ensemble de petites choses perdues en ville qu'on retrouve ici. L'autre particularité de Sormiou, c’est qu’on a tous le même type de cabanon. Que ce soit un avocat, un médecin, un ouvrier, personne n’a un cabanon plus grand et plus beau que les autres. Ça nivelle socialement. Et quand on est en maillot, l'avocat ou le médecin, il est comme tous les autres

Préserver l’esprit de Sormiou, ce joyau naturel aux portes d’une grande ville

Ce qui est important pour moi, pour Sormiou, c'est le fait que ce soit une propriété privée. Les propriétaires de cabanon ont voulu laisser Sormiou tel que c’était avant et c'est pour ça que vous avez les tuiles rouges, les barrières peintes en vert, pas d'antenne de télé.

À chaque fois qu'on revient ici, on fait un bond en arrière de quelques années tout en étant à cinq minutes de la maison. Il y a 120 cabanons à peu près dans la propriété. Donc ça fait 120 familles. J'espère que les propriétaires ont toujours cet état d'esprit et qu’ils ne céderont pas à l'appel du fric. Parce que je suis certain qu’on a dû leur proposer des chèques non-négligeables, ne serait-ce que pour un cabanon.

On est à cinq minutes d'une très grande ville. D'ailleurs, Bebert Falco qui a fait toutes les mers du globe disait : « des endroits plus beaux que Sormiou il y en a dans le monde, mais aussi près d'une grande ville, c'est le seul ». Et c'est ça notre plus grand risque. C'est que petit à petit, on soit grignoté par cette grande ville. La particularité de cette calanque, c'est que sur toute la longueur du littoral, c'est quasiment la seule plage de sable fin. Et il y a ce contraste entre ces roches blanches et cette mer vert clair, qui en fait un joyau. Ça attire énormément et c'est normal. Malheureusement, la plage n'est pas extensible et il y a une sur-fréquentation tout l'été. Avec le bruit et les saletés qui vont avec…


Source URL: https://calanques-parcnational.fr/node/16020